• Pokémon Death Snap

    Ah les années 90, la vie était si simple pour moi en ce temps. La Game Boy, la Nintendo 64, les Animaniacs, Freakazoïd. Toutes ces choses illuminaient ma vie. Surtout si je le partageais avec mes amis. Je n'étais pas un geek des ordis à ce moment. Ma famille avait une connexion par modem et Windows 95, ce qui rendait tout frustrant. Non, mes exploits digitaux ne m'ont pas amené plus loin que la N64, Super Smash Bros, Super Mario 64, Star Fox 64, Mario Kart 64 et Pokémon Snap étaient mes préférés.

    Après avoir trouvé tous les secrets de ces jeux, le seul qui garda mon attention était Pokémon Snap. Je parcourrai constamment les niveaux pour avoir les meilleures photos possibles des pokémons du jeu. Ce qui m'intriguait était le réalisme du jeu. Dans les autres jeux pokémon, tout est synthétique ; on ne voit pas les pokémons évoluer dans leur habitat naturel, on les voit juste dans leurs Pokéballs et au combat, ou parfois ils vous suivent et c'est tout. On pourrait dire que Hey ! Pikachu était plus interactif, mais ce n'est pas la même chose. Dans Pokémon Snap, on est en vue FPS et on a vraiment l'impression de se retrouver dans la faune Pokémon, une chose dont rêvait les pokéfans des années 90.

    Puis un jour on a déménagé, pris une PS2, une connexion ADSL et un ordi qui pouvait faire tourner Half-Life et je suis passé à plus grand. Mais je repensais souvent à la simplicité de mon enfance. Ma N64 et ses jeux sont tous restés dans un coin oublié au sous-sol. Cela ramène mon histoire à des événements plus récents. Il y a une semaine j'étais chez un ami. C'est le genre de gars qui est vachement équipé : Wifi, plein d'ordis, iPod, iPad, batterie électronique, synthétiseur, télé HD avec Dolby 5.1, guitare, PS3 et Wii. C'est l'un des potes avec qui j'aimais bien me fight à Smash Bros. Il voulait me montrer quelque chose. Il alluma sa Wii et me montra la chaine Pokémon Snap qu'il venait de s'acheter. Puis il lança le jeu. Au moment précis de l'intro du jeu, un flot de nostalgie s'empara de moi. Une sensation que je ne ressens pas souvent. Il sélectionna "continuer" dans le jeu.

    Pour ceux qui ne connaissent pas bien Pokémon Snap, l'histoire c'est que le professeur Chen a besoin de quelqu'un pour photographier des Pokémons dans leurs différents habitats naturels. Plus votre score augmente, plus vous accédez à de nouvelles zones et à de nouveaux outils, comme la pomme qui sert d’appât, la boule qui irrite les pokémons, et la pokéflute qui les fait dormir. Une fois les outils obtenus, vous pouviez revenir aux coins précédents pour prendre de meilleurs clichés de certains pokémons qui parfois étaient cachés. Le joueur incarne Todd, un personnage de l'animé qui conduit un buggy spécial qui suit un chemin de fer. Le buggy bouge à vitesse constante, et c'est à partir du buggy que vous prenez les photos. Sur les 151 pokémons de l'époque, il y en avait 63 dans Pokémon Snap. Les niveaux allaient de la plage à la caverne en passant par un volcan... L'ile possède des endroits très diversifiés, mais après mes intenses parties, les choses les plus sombres m'ont échappé... Du moins jusqu'à ce jour.

    Donc, le professeur Chen dit "Bienvenue" avec sa voix pourrie. J'ai toujours trouvé marrant comment le jeu, avec un seul mot parlé, donne en fait une tartine de texte écrit. En plein retour dans notre enfance, nous avions joué chacun notre tour pour voir qui aurait le meilleur score. Puis il a fallu rentrer. Mais je n'avais pas envie d'arrêter de jouer.

    En rentrant, je creusai dans le sous-sol pour remettre la main sur ma N64 avec un carton rempli de mes cartouches de jeux, manettes, cartes mémoires, etc... Purée elle me manquait cette console. Je la branchai sur la télé de ma chambre, inséra ma cartouche de Pokémon Snap et alluma la bête. Je précise en passant que c'est une édition de la N64 spéciale pokémon, en rouge et bleu, avec la Pokéball et Pikachu dessus. Très chouette. Le jeu ne se lança pas. En regardant la cartouche, je vis qu'elle était pleine de saletés sur les connecteurs. Après avoir passé une demi-heure à tout nettoyer, je remarquai quelque chose d'étrange. La carte perforée légèrement visible au niveau des connecteurs était rouge avec des rectangles noirs à la place des connecteurs. J'étais un peu surpris. Je n'avais jamais vu cette substance noire, et les cartes perforées des jeux N64 sont marron clair avec les connecteurs dorés.

    Il n'y avait pas que ça. Je ne voyais pas non plus le sceau de qualité Nintendo qu'on voit sur tout ce que fait Nintendo. Vous savez, le sceau doré en forme de soleil. Il n'y avait pas non plus l'étiquette noire derrière la cartouche, celle qui dit "Attention c'est dangereux pour les épileptiques" machin-truc. L'étiquette de devant avait légèrement bougé aussi. Mais bon, je me suis dit que ce n'était peut-être que quelques trucs dont je n'avais jamais fait attention jusqu'à maintenant. Je remis la cartouche et ralluma, me disant que tout ça était sans doute dû au déménagement et au temps... Le logo Nintendo s'afficha comme prévu. Les affaires reprennent.
    L'écran titre s'afficha normalement, mais il y avait des distorsions, sans doute dû à la cartouche qui a vieilli. Il y avait trois stries violettes faisant quelques centimètres, une de chaque coté et une au milieu. C'était plus sombre au centre des stries mais on arrivait quand même à voir. Ce n'était pas un gros ennui alors j'ai appuyé sur start.

    Je vis avec surprise qu'il n'y avait pas d'option continue à l'écran. J'imagine que la pile de sauvegarde n'a pas tenu non plus. Toutes ces heures d'achèvement perdues... Enfin bon, Démarrons un nouveau fichier.

    D'autres choses étranges apparurent alors. J'étais dans le labo du Professeur Chen, mais Chen avait changé. Ses yeux étaient noirs, sans iris, comme des trous. Il avait un air sévère. Coulé avec les stries violettes, ça rendait le professeur bien morbide. Le texte était normal, mais la voix était différente, distordue avec un ton bien bas. Je me souviens des voix de démons qu'on entend dans Doom et ça y ressemblait. Mais à part tout ça que j'avais attribué à la poussière, le jeu semblait marcher normalement. Je suis un homme de science. Je ne crois pas aux fantômes et je suis athée. Et je m'étais débarrassé de toutes les peurs de mon enfance...

    Je pris la première course, la plage. Il y eut encore plus de distorsions. Tous les pokémons n'avaient pas de pupilles. Des yeux noirs comme des trous. Et sous chaque pokémon du sol, il y avait un anneau violet. Il y en avait aussi sous les Roucoul volants. Le ciel était vert clair et il n'y avait ni soleil ni nuages.

    Les mouvements des pokémons semblaient froids et pas naturels. Comme s'ils avaient peur de quelque chose. Je jouai le niveau mais à chaque fois que je prenais un pokémon en photo, il disparaissait. Inquiet, je ne pris que des photos de pokémons qui compteraient au scoring à la fin, laissant tranquille le Ronflex par exemple. Juste avant la sortie, je remarquai un anneau violet me suivre, mais le pokémon était invisible. A tout hasard je pris une photo et sortit du niveau.

    Je sélectionnai toutes les photos pour le rapport. Mais chose étrange, la dernière photo avait disparue. Le scoring fut normal mais quand je revins à Chen, il me dit "Bien joué, mon garçon !" il fit une pause puis ajouta "....Tu l'as laissé entrer n'est-ce pas ? Tu sais ce que ça signifie... Va au tunnel."

    J'imagine qu'il me parlait du niveau suivant, alors j'y allai. En entrant dans le niveau du tunnel, je constatai que j'avais tous les outils du jeu en poche : la pomme, la balle, la pokéflute. Dans le niveau, il y avait les même distorsions qu'à la plage. A la fin, j'envoyai une pomme à l'Electrode pour qu'il explose et ouvre le passage vers le volcan. L'Electrode semblait en extrême agonie, pas d'expression comique comme d'ordinaire. Il semblait appeler à l'aide.

    Alors que la cinématique me montrait en train de sortir du niveau, je vis encore l'anneau violet me suivre. Bizarrement, au lieu de me ramener au labo, ça coupa directement au noir, puis au niveau du volcan. Un rapide coup d'oeil me montra que les distorsions empiraient. En avançant, les Galopas et les Ponytas couraient en tout sens et se jetaient dans la lave en faisant des cris d'agonie ralentis. Puis tous les pokémons de mon chemin firent de même. J'arrivai à l'oeuf qui bloquait le chemin. Là on est supposé lancer une pomme pour que loeuf éclose et que le chemin se libère. Mais je remarquai alors que je n'avais plus mes objets. C'était ennuyeux. Et j'en profitai pour aller diner et y réfléchir. Sans mettre en pause car pas nécessaire. A mon retour, je remarquai l'anneau violet qui me suivait. Il restait derrière moi sans bouger. Mais je vis autre chose au loin. C'était un Electrode qui roulait le long du chemin. C'était sans doute l'Electrode que j'ai explosé au niveau précédent, car il avait un regard de colère et de vengeance. Je ne pouvais pas fuir alors je ne pouvais que regarder la suite. Lorsqu'il me toucha, il explosa, ce qui fit valser le buggy en l'air et le faire tomber dans la lave. Une cinématique se joua, mais elle était lente et le son était distordu, et on entendait les hurlements de Todd qui brulait avec un ton bas.

    J'étais de retour au labo. Chen me regardait en colère et disait "Tu l'as laissé te rejoindre, n'est ce pas. Tu ne peux que t'en blâmer. Fondu au noir et j'arrivai sur l'écran de sélection de niveau. Chen se tenait seul. et la seule option possible était "HELLL" Comme Enfer mais avec trois L. Il n'y avait pas d'option retour alors je sélectionnai le niveau.

    La camera zoomait sur le corps carbonisé de Todd sous le buggy renversé. Tout semblait ultra-réalistique et la scène se passait sur un piédestal en pierre au milieu d'une mer de lave infinie. Tous les pokémons que j'avais pris en photos et fait disparaitre flottaient dans la lave, hurlant de leurs voix ralenties. Soudain il y eut un flash. La caméra bougea en direction d'une figure démoniaque qui prenait des clichés des cadavres. Après quelques photos, il sauta sur la tête de Todd, l'écrasa et prit une photo du corps et mes haut parleurs dirent "Souriez !" et un flash apparut à l'écran et illumina toute ma chambre. Cela me foutu la frousse de ma vie. Et quand ça s'arrêta, l'écran vira au noir et la console s'éteignit toute seule.

    J'appuyai sur reset car je savais qu'un jeu ne pouvait pas me faire de mal. Tout ça me rendait malade mais j'avais vu pire sur le web. Je voulais voir la suite. En arrivant au menu, il n'y avait que l'option album. J'appuyai sur A et je n'aurais jamais du... L'album était rempli d'une centaine de photos montrant d'horrifiques scènes de torture et de mutilation. Beaucoup impliquaient des enfants. Ces photos n'étaient pas en 64bit. Elle étaient en très bonne qualité, comme si scannées et insérées directement dans le jeu. Je commençais à en avoir la nausée, mais le pire fut à venir. Le jeu m'emmena tout seul à la fin de l'album et me zooma la dernière photo. C'était la photo du cercle violet que j'avais prise au début du jeu. Mais cette fois, la chose était bien visible. C'était mon corps mort qui flottait à quelques centimètres du sol. Mais le plus dégueulasse est que j'avais un appareil photo planté dans la tête.

    L'écran vira au noir. J'ai été tellement terrifié que j'ai scié la cartouche en deux et dispatché les morceaux à l'une et l'autre poubelle de la ville. Plus tard, j'ai demandé à ma mère si elle avait touché à ma cartouche de Pokémon Snap. "Oh oui," m'a-t-elle dit "Quand on a déménagé, je portais le carton au sous-sol, et le jeu est tombé et il s'est cassé. Quand je suis venue le récupérer, j'ai vu un bout glisser dans une des rainures du jeu et je n'ai pas pu la récupérer. Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé. Mais tu es grand pour ce genre de jeu à présent, non ?" Je me sentis choqué. Et ça devait être visible car ma mère me demanda ce qui n'allait pas. "Rien, je vais bien.". Je ne lui en ai pas parlé.

    Une semaine a passé, et je distribue mon histoire à l'internet dans l'espoir que ça puisse aider quelqu'un, ou au moins le divertir. Je m'excuse pour la longueur du message, mais je pense que les détails étaient indispensables. Ce qui me fait le plus peur, ce n'est pas les photos, ni même la mienne à la fin. C'est comment un jeu qui se casse peut donner quelque chose d'aussi horrible et glauque. Heureusement que je déménage bientôt.

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